Apprenons à "signer"

Lundi 4 février 2019

Toutes les langues ont leurs particularités, et chacune voudrait en avoir plus que les autres… Mais celle-là semble quand même avoir quelque chose d’unique : on ne la parle pas, on ne l’entend pas, on ne l’écrit pas… on la regarde et on la mime !
Oui, la langue des signes (française, puisqu’il n’y a pas de système unique) est bien une langue, avec ses signes, ses symboles, ses messages, ses émetteurs et ses récepteurs. Longtemps interdite en France, comme bien d’autres prétendues « déviances » patoisantes (entre autres), elle est maintenant réhabilitée, enseignée aux sourds et aux entendants, et fait l’objet de nombreuses recherches.
Mais ces particularités ne nous ont pas fait reculer, au contraire, elles ont attisé notre curiosité.
Première difficulté : on a bien un dictionnaire français / langue des signes, avec des petites images qui montrent les gestes à faire pour dire « bonjour, j’ai faim, j’ai soif, passe-moi le sel, merci, etc. ». Mais comment faire dans l’autre sens ? Cette difficulté rappelle un peu celle de l’écriture du chinois, dont on ne peut mettre les mots dans l’ordre alphabétique qu’après les avoir transcrits, ce qui n’aide guère à trouver les signes (dont certains rappellent aussi, par leur côté descriptif, les signes de la lds). On pourrait bien sûr essayer d’imaginer un système de classification des signes basé sur certains traits (ce que font les Chinois aussi : un trait, deux traits etc.).
On va donc essayer patiemment de comprendre les signes, et les signes expliquant ces signes, etc. Après tout, c’est un peu le même problème pour toutes les langues « en immersion », il faut des mots pour expliquer les mots, et encore des mots pour expliquer les mots qui expliquent, on croit que ça tourne en rond, mais non, c’est en fait une spirale qui avance un peu plus à chaque tour.
Le plus étonnant est le silence auquel les entendants ne sont pas du tout habitués ! Nous avons besoin de toute notre attention pour essayer de comprendre les explications, et il faut perdre le réflexe d’appeler son interlocuteur pour attirer son attention.
Encore merci aux référents pour cette soirée étonnante et mémorable. J’espère qu’on recommencera, parce que j’ai encore beaucoup à apprendre ; en attendant j’essaie de travailler à une fiche qu’on pourrait intégrer dans le tome deux de notre livre "la langue de l’autre" ; je prépare, pour commencer par le plus facile, un tableau de la dactylologie : un signe pour chaque lettre de l’alphabet pour pouvoir « épeler » les mots, à commencer par son nom (je suis assez favorisé, il me suffit de deux lettres).

J’envisage de refaire des photos et de les transformer en dessin pour que ce soit plus clair, mais je ne suis pas sûr de bien faire les gestes. D’ailleurs je ne comprends pas toujours bien de quelle main il s’agit, est-ce que l’image est en miroir ? Et communiquer dans cette langue ne consiste pas à épeler les mots, ce n’est qu’un pis aller, l’essentiel du message est ailleurs, dans la position des mains, leur place par rapport au corps, leur mouvement, l’expression du visage. Avec quelques éléments supplémentaires comme la première lettre du mot, la labialisation (prononcer la phrase sans émission de voix, pour aider à lire sur les lèvres). Sachant que le système de signes est une autre langue, c’est comme si on parlait deux langues à la fois. Ça rappelle un peu la gymnastique qui consiste à lire les sous-titres d’un film en langue étrangère, tout en essayant de comprendre ce que disent les acteurs.
Conclusion : organisons vite un second repas pour faire avancer la spirale !

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