L’atelier reliure de l’association Auberbabel

Vendredi 30 novembre 2012

Le lien entre la reliure et la diversité linguistique n’est pas vraiment évident. Pourtant il m’est arrivé de donner des cours de français à un groupe de jeunes germanophones en leur faisant faire de la reliure. J’avais remarqué en tant qu’apprenant et en tant qu’enseignant que l’apprentissage des langues souffre énormément, même en déployant des trésors d’imagination, du caractère artificiel de la plupart des phrases qu’il faut bien employer ou fabriquer pour mettre les règles de la langue en contexte. Et j’ai pu constater à l’inverse que le contexte extrêmement concret d’une activité manuelle était très favorable à l’acquisition des structures de la langue. On était loin de la poésie un peu abstraite de la litanie rosa rosa rosam, du riche tailleur anglais de Monsieur Chérel et des plumes du chapeau de ma tante. Je ne suis pas allé cependant jusqu’à frapper ceux qui ne comprennent pas le nom de l’outil qu’on leur demande d’apporter, jusqu’à ce qu’ils finissent par le comprendre parce qu’on arrête de les frapper quand ils l’ont enfin trouvé par hasard.

La préparation des repas linguistiques nous a aussi parfois servi à mettre les apprenants en contexte, en leur faisant réaliser les plats sous la direction d’une référente qui ne s’exprimait que dans sa langue. Mais ça ne pouvait marcher que lorsque les mitrons apprenants avaient déjà quelques bases, comme c’était le cas en polonais aux tout premiers temps d’Auberbabel, ou quand on choisissait une langue assez proche du français comme l’italien.

Nous avons créé un autre lien, certes un peu artificiel, qui consiste à organiser un atelier de reliure dans le but de créer de la valeur ajoutée en fabriquant de délicieux petits carnets, qui sont vendus au profit de l’association. Le prix de revient des matériaux est assez faible, d’autant plus que certains proviennent de récupération : carton, chutes de tissus. La denrée qui freine la production, c’est le temps. Il y a quelques semaines encore, il y avait un autre goulot d’étranglement : le massicot. En effet, avant de prendre ma retraite j’avais encore accès à une de ces machines. Ayant travaillé un temps dans l’administration de l’université, j’avais gardé avec le personnel qui dispose de cet objet des relations assez bonnes pour qu’il m’autorise à m’en servir de temps en temps. Mais depuis, plus le temps passe, plus les relations se distendent, d’autres partent aussi à la retraite, le matériel devient de plus en plus perfectionné et je finis par être totalement étranger. Mais, ô miracle ! Une généreuse donatrice nous a offert de quoi nous en procurer un ! L’atelier reliure fonctionne donc (presque) tous les lundis après-midi, et quand nous aurons le temps nous prendrons des photos des stagiaires en pleine action. Et nous publierons même une "méthode simplifiée" avec des photos et des illustrations.

Par ailleurs, notre magnifique livre la langue de l’autre (diffusé par cinq librairies que je n’hésiterai pas à qualifier pour cette raison de meilleures de France, tout en vous conseillant d’éviter les autres dans la mesure du possible) est broché au siège de l’association, ce qui nous permet d’économiser quelques euros par exemplaire. Certes le rendement n’est pas fameux, on atteint à peine la dizaine d’exemplaires par jour même en cas de grand boum. Mais le chiffre des ventes n’a encore jamais dépassé notre faible production. Nous avons bien organisé une chaîne de fabrication après le tremblement de terre en Haïti, dans le but de préparer rapidement une centaine d’exemplaires que nous devions vendre à l’occasion d’une manifestation de soutien aux familles sinistrées. En fait nous en avons vendu effectivement deux... Au moins cette précipitation nous a-t-elle permis de perfectionner un peu notre technique.

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